samedi 29 mars 2014

Expressions, quand tu nous tiens....




A quelques encablures de la seconde visite de FrédéricKessler à l’école Brunschvicg- Rousseau, un vent de folie souffle sur notre classe de CP. Au moment même où nous devons terminer notre travail sur les expressions, la machine s’emballe, nous ne maîtrisons plus rien !

D’une part, personne (ni les élèves ni l’enseignante) n’a envie de terminer le projet, parce que nous découvrons et nous notons des expressions tous les jours, et souvent plusieurs fois par jour. Alors, évidemment les élèves ont envie de travailler sur toutes ces expressions, mais nous sommes pris par le temps, et nous croulons littéralement sous les expressions, nous sommes submergés, nous buvons la tasse !

D’autre part, nous sommes en train de tourner bourrique : nous parlons en expressions, nous pensons en expressions, nous rêvons d’expressions : cela vire à l’obsession. Voyez vous-mêmes :

« L’autre matin, à l’heure des rituels, je me trompe : je demande au même enfant de venir faire la date et l’emploi du temps. Mais, au lieu de me dire : « Ce n’est pas possible ! », il m’a répondu : « je ne peux pas être au four et au moulin ! ».
Ensuite, comme je me suis levée du pied gauche, je leur donne un travail long et fastidieux qu’ils n’arrivent pas à terminer. « Ah, là, là ! » se plaignent-ils, « ce n’est pas de la tarte, nous sommes dans de beaux draps, et on n’est pas sortis de l’auberge alors que c’est bientôt la récréation ! »
Du coup, ils se font une montagne de ce travail, s’arrachent les cheveux, montent sur leurs grands chevaux et certains vont même jusqu’à jeter un œil sur la feuille désespérément blanche de leur voisin.
Comme ils commencent à être fatigués, ils se prennent les pieds dans le tapis et, cerise sur le gâteau, la sonnerie de la récréation oublie de retentir ! C’est la Bérézina : ils n’ont plus les yeux en face des trous, tournent en rond et sont sur le point de jeter l’éponge. Il faut reconnaître que je n’y suis pas allée avec le dos de la cuillère, même si cet exercice n’est pas piqué des hannetons. De leur côté, la coupe est pleine, ils sont même prêts à verser de grosses larmes de crocodile.
Heureusement, la sonnerie les délivre et moi aussi. Ils vont arrêter de se prendre le chou et vont pouvoir aller vider leur sac auprès de leurs camarades. Je les entends déjà parler à bâtons rompus en accusant la maîtresse d’être tombée sur la tête et de jeter de l’huile sur le feu.
Leurs camarades les écoutent bouche bée. Ils sont tellement médusés qu’ils en restent comme deux ronds de flan, avant de se décider à voler à leur secours : « Il faut faire quelque chose » disent-ils en se creusant la tête pour chercher une idée, « on ne peut pas faire l’autruche ».
Après réflexion, ils sautent le pas, se jettent à l’eau et vont trouver la directrice qui se demande, en leur lançant des regards noirs, si cette horde d’enfants mécontents ne risque pas de lui casser les pieds. Les enfants se font un sang d’encre : il faut dire qu’elle est un peu soupe au lait la directrice, elle n’est pas toujours à prendre avec des pincettes. En plus, ce jour-là, elle n’est pas vraiment dans son assiette parce qu’elle a un chat dans la gorge qui refuse de prendre la poudre d’escampette. Mais elle les écoute en se demandant s’ils ne sont pas en train de mentir comme des arracheurs de dents en lui racontant des salades.
Du coup, elle me demande de venir lui raconter le fin mot de l’histoire, mais, au lieu de m’exécuter, la peur au ventre, je me mets à courir à perdre haleine pour lui échapper. Malheureusement pour moi, les enfants me rattrapent (la cour n’est pas extensible). La situation est en train de tourner au vinaigre et, devant la directrice qui s’avance vers moi telle une mégère pas tellement apprivoisée, je roule des yeux de merlan frit et j’ai perdu ma langue. Pendant que je la cherche (ma langue, pas la mégère) en retournant mes poches, mon regard croise celui des enfants qui rient sous cape. La directrice veut mettre les points sur les i et me rappelle que je ne peux pas leur demander la lune. Je lui réponds que je sais tout ça sur le bout des doigts parce que, même en grimpant sur les épaules de leurs camarades, ils sont  trop petits pour réussir à décrocher la lune : il y a tout de même près de 384 400 kilomètres, ce n’est pas une mince affaire. Mais elle me coupe en me reprochant de noyer le poisson et, tournant les talons, m’ordonne de retourner dans ma classe.
Toute cette histoire m’a retournée, j’ai le coeur au bord des lèvres. Je n’ai plus toute ma tête et j’ai peur que les enfants me trouvent laide avec un morceau de tête en moins. A partir de maintenant, c’est promis, le travail ce sera du gâteau ! Mais, attention : j’ai été contrainte de changer mon fusil d’épaule, mais les chiens ne font pas des chats : les enfants savent que je viens d’une famille de sorcières : incessamment sous peu, je leur mijoterai une autre mauvaise surprise, ils ne perdent rien pour attendre ! ».

Isabelle Sandevoir

Avertissement : Evidemment, cette histoire est une fiction. Je l’ai écrite à partir des expressions collectées en classe. Comme je ne trouvais pas chaussure à mon pied, j’ai décidé de créer ma propre histoire dans le but d’expliquer de manière plus ludique aux enfants la définition de ces expressions